Diagnostic de Performance Énergétique : les incohérences structurelles d’un modèle inadapté aux usages contemporains

 

Illustration des limites de la méthode de calcul du DPE 3CL : consommation réelle ignorée, équipements exclus, diagnostiqueurs injustement accusés.

Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), devenu un référentiel central dans les politiques publiques du logement, présente aujourd’hui des limites techniques majeures, non pas en raison de la qualité des opérateurs qui le réalisent, mais bien du modèle de calcul réglementaire imposé par la méthode 3CL-DPE 2021. Dans sa version actuelle, cette méthode, bien que normée, s’avère incapable d’appréhender la complexité des usages énergétiques réels, induisant ainsi une série d’incohérences structurelles entre la note théorique attribuée et la performance effective du bâtiment.

 

Le premier point de rupture réside dans l’exclusion systématique de nombreuses charges énergétiques spécifiques. Les consommations liées aux équipements de confort tels que spas, jacuzzis, saunas, piscines chauffées, ou encore annexes transformées en pièces de vie sans requalification thermique (ex : garage isolé sommairement), ne sont ni saisies ni modélisées. Or, ces postes peuvent générer plusieurs milliers de kilowattheures par an, avec un impact direct sur la facture d’énergie des ménages. Leur absence du calcul crée un écart de plus en plus manifeste entre le DPE conventionnel et la réalité terrain.

 

Les systèmes de chauffage dits performants, notamment les pompes à chaleur air-eau, sont intégrés au calcul avec une valorisation standardisée fondée sur des rendements théoriques, sans que la méthode ne tienne compte du dimensionnement réel de l’équipement ni de la surface effectivement chauffée. Dans de nombreux cas, une pompe à chaleur sous-dimensionnée assure un chauffage partiel, nécessitant un complément par des systèmes d’appoint (radiateurs électriques, poêle à bois non déclaré), tandis que le DPE continue de valoriser un rendement optimal totalement fictif.

 

Les équipements électroménagers et électroniques ne font l’objet d’aucune prise en compte. Les plaques à induction, les fours connectés fonctionnant en veille prolongée, les chauffe-eau à pilotage électronique, les congélateurs de grande capacité, les réfrigérateurs américains, les systèmes d’alarme sur batterie déportée ou sur onduleur, les dispositifs domotiques constamment alimentés et les boxes internet actives 24h/24 échappent totalement à la modélisation. Même les systèmes d’éclairage, pourtant souvent vantés comme “basse consommation”, sont modélisés par hypothèse forfaitaire. Or, il n’est pas rare de constater, dans certains logements récents, des installations cumulant plus de 20 points lumineux LED dans une seule pièce, annihilant les gains supposés d’une ampoule de 5 W.

 

Les usages propres aux ménages ne sont jamais intégrés. Le modèle considère que chaque logement est occupé par un ménage type, avec des comportements moyens définis par l’ADEME. En réalité, les variations sont considérables : un logement occupé en continu par une famille dont aucun membre ne travaille à l’extérieur aura une demande énergétique quotidienne bien plus élevée qu’un logement identique occupé uniquement le soir et les week-ends. Cette non-prise en compte du profil d’usage réel entraîne des écarts majeurs entre les consommations estimées et celles effectivement observées.

 

La question des menuiseries met également en lumière un autre biais méthodologique. Lorsqu’une fenêtre ancienne est remplacée par une menuiserie PVC double ou triple vitrage, le gain thermique est valorisé dans le DPE. Mais aucune saisie n’est prévue pour intégrer le traitement ou non du pont thermique périphérique. Résultat : 90 % des rénovations réalisées sans rupture de pont thermique sur les tableaux, linteaux ou appuis sont considérées comme performantes, alors qu’elles présentent toujours une discontinuité de l’isolation en périphérie de baie, source de fortes déperditions localisées.

 

Le cas des systèmes de ventilation accentue encore ces dérives. Les VMC simple flux, encore omniprésentes dans le parc résidentiel, engendrent une extraction constante d’air chaud, avec des volumes dépassant 60 m³ par heure dans certains logements. Cette perte, équivalente à plusieurs degrés par heure en période de chauffe, est sous-estimée par la méthode, qui applique des coefficients fixes non représentatifs. Pire encore, les systèmes à ventilation naturelle sont modélisés sans considération pour les infiltrations parasites, les conduits ouverts, ou les défauts d’étanchéité, ce qui revient à ignorer toute la complexité des bâtiments anciens.

 

La déconnexion est telle que les DPE attribués à certains logements peuvent conduire à des décisions inadaptées : rénovation thermique mal ciblée, dévalorisation injustifiée d’un bien, ou à l’inverse, valorisation excessive d’un logement dont le confort réel est médiocre. Le risque est d’autant plus élevé lorsque le DPE devient un critère d’éligibilité à des aides, des financements ou des ventes en bloc dans le cadre de politiques de rénovation à l’échelle nationale.

 

Il est également nécessaire de rappeler que les diagnostiqueurs, en tant qu’opérateurs de terrain certifiés, n’ont pas la main sur les règles de calcul. Ils appliquent scrupuleusement la méthode 3CL, utilisent un logiciel validé par l’État, et sont tenus de suivre une procédure normative. Pourtant, ce sont eux qui sont régulièrement remis en cause, alors qu’ils ne font qu’exécuter une méthode conçue pour homogénéiser les diagnostics, au détriment parfois de leur pertinence thermique.

 

Dans un autre secteur, celui du tertiaire, la méthode sur factures reste autorisée, précisément parce qu’elle reflète mieux les usages réels. Dans le résidentiel, cette approche a été abandonnée au profit d’un calcul standardisé qui a l’avantage de la comparabilité… mais le désavantage de l’approximation extrême. La méthode actuelle n’intègre pas la variabilité climatique locale, l’évolution des comportements, ni les consommations liées à des équipements considérés comme “hors champ” — alors qu’ils sont devenus banals dans des milliers de foyers.

 

Si l’on veut faire du DPE un véritable outil de pilotage énergétique à l’échelle du logement, il est urgent de revoir la granularité de la méthode, d’intégrer des indicateurs de consommation réelle, de proposer une modélisation plus souple des usages spécifiques, et de redonner une marge d’analyse à l’expert de terrain. Sans cela, la généralisation du DPE dans les politiques publiques risque de renforcer un système de notation inefficace, et de fausser gravement les arbitrages des ménages, des copropriétés et des collectivités territoriales.


« Il apparaît aujourd’hui indispensable d’intégrer les consommations réelles issues des trois dernières années de factures énergétiques à la méthode 3CL, afin d’ajuster la note du logement à son usage effectif et de garantir une évaluation plus fidèle de sa performance. D’autant plus que les fluctuations constantes du prix de l’électricité et des différentes énergies rendent toute estimation théorique rapidement obsolète. Seule une prise en compte des données réelles permettrait de restituer une vision juste et actuelle de la performance énergétique d’un bien. »


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